Le cannabidiol (CBD) est l’une des substances actives du cannabis. En 2020, l’ONU a retiré la molécule de la liste des stupéfiants, permettant aux pays comme la France de la légaliser. Cependant, dans la pratique, la situation paraît un peu plus complexe. Contrairement à certains de ses voisins, la France autorise la commercialisation du CBD avec certaines restrictions fortement controversées. Entre autorisations, interdictions et annulations d’interdictions, les débats autour du CBD sont particulièrement houleux dans l’Hexagone.

Des questions de santé publique

Après plusieurs années de flou, la reconnaissance du CBD comme substance non stupéfiante a sonné comme un signal libérateur pour la France. Le pays a alors décidé de légaliser la molécule, autorisant sa consommation sous toutes les formes, avant que s’enchaînent divers bouleversements.

Interdiction de certains dérivés de CBD par un arrêté en décembre 2021

Une première surprise survient à la fin de l’année 2021. Le 30 décembre 2021, un arrêté ministériel stipule que la vente du chanvre à l’état brut est désormais interdite en France. Cet arrêté paraît au journal officiel le lendemain, et précise que la commercialisation des feuilles ou des fleurs brutes de CBD, seules ou mélangées à d’autres ingrédients, est également interdite. Les Français ne sont plus autorisés à détenir ou à consommer les fleurs de CBD, en particulier pour les fumer ou pour préparer des tisanes et infusions. Cette décision met les entrepreneurs en ébullition.

Annulation de l’arrêté d’interdiction dès janvier 2022

Ayant décidé de faire front pour pousser le gouvernement à se rétracter, les acteurs de la filière CBD essuient un premier revers le 07 janvier 2022 quand le Conseil constitutionnel valide l’arrêté d’interdiction. Ils finissent toutefois par avoir gain de cause quelques semaines plus tard : le 24 janvier 2022, le Conseil d’État a informé le public qu’il suspendait temporairement l’arrêté interdisant la vente des fleurs de CBD. L’annonce du Conseil d’État mentionne clairement qu’il s’agit d’une suspension « provisoire » de l’arrêté du 30 décembre 2021. Pour les gérants de boutique de CBD, il ne s’agit donc peut-être pas encore d’une victoire finale.

La santé des consommateurs et la qualité des produits au cœur des préoccupations du législateur

Les débats autour du CBD ne concernent pas tous les produits dérivés, mais principalement les fleurs et les feuilles brutes. La cause majeure du flou qui subsiste est qu’il est difficile pour les agents de contrôle de stupéfiant de déterminer au premier regard s’il s’agit de fleurs légales ou non. Même si des plateformes comme shopducbd.fr fournissent des efforts considérables pour sélectionner les meilleures fleurs de CBD légales à vendre aux consommateurs français, il demeure sur le marché des produits de qualité douteuse.

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D’après la législation française, une fleur de CBD est légale lorsqu’elle contient un taux de tétrahydrocannabinol (THC) inférieur à 0,3 %. Le THC est la molécule psychoactive contenue dans le chanvre et créant un état de dépendance. Elle agit sur les récepteurs de l’organisme et provoque de vives réactions, une perte de contrôle, etc. En France, le Code de santé publique estime qu’en dessous de 0,3 %, le THC n’est pas dangereux pour l’organisme. Voilà pourquoi les plantes de chanvre ayant une forte teneur de CBD, mais une très faible proportion de THC sont considérées comme légales, comme le confirme le contenu de la décision de justice rendue publique par le Conseil d’État le 24 janvier 2022.

Les raisons ayant poussé le gouvernement à prononcer l’interdiction de la commercialisation des fleurs et feuilles de CBD non transformées n’en étaient pas infondées pour autant. Le gouvernement a estimé que la consommation de CBD pourrait, elle aussi, avoir des effets psychoactifs de somnolence et de sédation. Il s’est également appuyé sur la nécessité de renforcer les capacités opérationnelles des agents de sécurité intérieure dans leur lutte contre les substances stupéfiantes. Même s’ils relèvent de la santé publique, ces arguments ne sont néanmoins pas suffisamment étayés par des chiffres et des preuves scientifiques. Ils n’ont pas convaincu le Conseil d’État, dont la décision s’est révélée salvatrice pour les entreprises opérant dans la commercialisation du CBD. En attendant un autre rebondissement, sans doute.

Une absence de certitude

L’interdiction rendue publique par le gouvernement en décembre 2021 s’est révélée problématique parce qu’elle portait sur le produit phare des boutiques de CBD. Faisant écho aux paroles d’Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre en France, Le Parisien indiquait dans une publication de décembre 2021 que près de 2 000 boutiques dans l’Hexagone sont spécialisées dans la vente de produits dérivés du CBD. Dans la plupart de ces boutiques, les meilleures ventes sont obtenues grâce aux fleurs brutes (environ 70 % du chiffre d’affaires). Il s’agit donc de la principale source de revenus de milliers de personnes.

Y a-t-il vraiment des raisons de douter ?

Pour la plupart, les acteurs qui exercent légalement respectent les normes qui définissent les espèces de fleurs à cultiver et qui fixent le taux maximal de THC à respecter pour un dérivé de CBD mis sur le marché. Dans son avis n° 35 paru en 2018, le comité Éthique et cancer ayant travaillé sur l’usage du cannabis dans un contexte de soins indiquait ne pas identifier de motif pour s’opposer à l’utilisation du cannabis par des personnes qui disent en tirer des bénéfices. Si une telle opinion est émise pour le cannabis, les griefs contre les produits dérivés de CBD, débarrassés d’une bonne partie du THC de la plante, s’en trouvent moins justifiés. De plus, le législateur semble prêt à faire des réajustements pour concevoir un cadre légal précis dans lequel évoluerait l’industrie du CBD et qui serait respectueux de la santé des consommateurs. En témoigne le fait que le taux de THC limite, qui était de 0,2 % auparavant, est passé à 0,3 % en décembre 2021 à travers l’arrêté d’interdiction. Et en suspendant l’interdiction, le Conseil d’État a maintenu que tout produit à base de CBD doit contenir au maximum 0,3 % de THC.

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Des décisions plus inspirées par des arguments empiriques que par des preuves scientifiques

La levée de l’interdiction semble logique au vu des paramètres évoqués ci-dessus, d’autant plus que la réglementation du secteur du CBD est plus ouverte dans les pays voisins. En Suisse par exemple, le CBD est légal depuis 2011 avec un taux de THC qui ne doit pas dépasser 1 %. En ayant clairement défini une telle valeur, sans ambiguïté, le pays n’a fait face à aucune mauvaise interprétation de la loi ni à aucun mécontentement. En Allemagne comme dans plusieurs autres pays européens, le constat est à peu près le même. La législation a autorisé la commercialisation du CBD à condition que les produits contiennent moins de 0,2 % de THC, et aucun débat n’a été ouvert à ce sujet.

La France se montre si hésitante parce qu’il subsiste un véritable manque d’informations. Il y a encore trop peu de recherches scientifiques pour que puisse être fixé définitivement un taux raisonnable de THC reconnu non dangereux. Dans le même sillage, les réels effets attribués aux produits à base de CBD sont encore peu clairs. Et force est de constater que l’expérience des voisins européens ne suffit pas à conforter le législateur français dans un certain choix.

Hélas, tous ces rebondissements ne sont pas de nature à rassurer le consommateur. Il n’y a plus qu’à espérer que des données scientifiques tangibles viennent rapidement mettre fin à toute polémique !

Sources

https://www.leparisien.fr/societe/sante/interdiction-de-la-la-vente-de-fleurs-de-cbd-5-minutes-pour-comprendre-02-01-2022-HPAL2CVSXFC4NIZ2U7ZTQFODWA.php

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02114138/document

https://www.drogues.gouv.fr/actualites/cbd-nouvel-arrete-paru