Depuis début 2020 et sans qu’il soit possible d’établir une corrélation avec la crise du COVID19, les ventes de tapis berbères d’origine du Maroc ont fortement augmentées et leur part de marché aussi par rapport aux autres catégories et en particulier les tapis orientaux ou les tapis de grande série fabriqués en Inde ou en Chine.
La raison principale est un retour en grâce des tapis dans l’habitat moderne et en particulier chez les moins de 50 ans. Les clients qui achètent un tapis berbère sont sensibles à l’authenticité, chaque tapis étant une pièce unique tissé par une femme berbère chez elle ; ce ne sont donc pas des tapis fabriqués en usine.
Ils sont également sensibles à la créativité de ces tapis et à leur éco-design, les matières utilisées étant essentiellement des tissus recyclés et de la laine naturelle traitée au sein du village ; et la catégorie des tapis boucharouette qui sont lavables les rend particulièrement attractifs pour les maisons où se trouvent des animaux domestiques et des jeunes enfants.
Le critère du tapis ethnique ou tapis tribal avec sa spécificité et son histoire propre le rend aussi particulièrement intéressant aux clients qui ne veulent pas chez eux d’un produit de série que l’on peut retrouver partout.
Enfin le critère d’art brut est pertinent pour beaucoup de clients : ses tapis uniques sont créés par des femmes analphabètes qui ignorent même la notion d’art ; c’est de l’art populaire et beaucoup les appellent les « tapis tableaux ».
Les trois catégories de tapis berbères les plus connues des tapis du Maroc sont les Beni ouarain en haute laine, les Boucharouette en tissus recyclés et les tapis berbères d’Azilal en laine et coton. Nous allons décrire en détail les 3 catégories de tapis berbère Marocain que l’on retrouve principalement sur le marché international.
Le tapis Beni Ouarain… chaque tapis est unique !
Les tapis Beni Ourain sont considérés comme “le roi des tapis”, les plus prestigieux du Maroc, tissés à la main à partir de laine soyeuse de haute qualité, chaque pièce est unique. Ces tapis luxuriants trouvent leur place dans toutes les décorations d’intérieur.
Un tapis Beni Ouarain est un authentique tapis tribal entièrement tissé et noué à la main par les femmes des tribus de Beni Ouarain et des villages voisins, vivant dans le nord-est du Moyen Atlas marocain, plus précisément dans l’actuel parc national de Taza, une province située entre les villes de Guercif, Taza et Sefrou.
Les tapis boucharette sont spécifiques aux tribus rurales du Maroc
Dans ces maisons domestiques souvent très modestes, les femmes berbères tissent des tapis à partir de tissus déchirés provenant de textiles recyclés. Un millier de chiffons ou de morceaux de fils de coton, de nylon ou synthétiques, ou plus rarement de laine, sont utilisés pour réaliser les fabuleux décors d’un tapis berbère.
Le contraste entre la pauvreté du matériau et la richesse de la composition ajoute à l’étonnement et à l’émerveillement de cet art populaire. On peut véritablement parler d’art brut.
Alors que jusqu’à récemment, ces tapis n’intéressaient personne et que les marchands de tapis dans les souks ne les proposaient même pas, un mouvement d’intérêt pour les tapis berbères est né qui s’est étendu de l’Europe aux USA en passant par le Japon et l’Australie.
La sincérité de ces œuvres d’art populaire, leur joie des couleurs, leurs abstractions lyriques, leurs prix modiques intéressent la jeune génération en quête de valeurs esthétiques et authentiques comme le développement durable et les créations éco-design; C’est pourquoi les tapis boucharouettes connaissent un tel succès.
Les petits formats, qui sont souvent des tapis de selle, sont désormais encadrés par les galeristes et prennent ainsi leur statut de ” tapis tableau “. Ces œuvres d’une grande richesse artistique sont alors des tableaux d’artistes à installer au mur. Un tapis boucharouette est une invitation à la rêverie visuelle, où rien n’est définitivement délimité à l’avance, où les formes suspendues semblent suggérer une continuité vers l’infini au-delà du cadre du tableau-tapis.
L’influence culturelle de ces femmes berbères remonte à la nuit des temps. Le motif du losange très présent dans les tapis marocain est un décor qui existe depuis le néolithique. Ces œuvres tissées révèlent les traces d’une civilisation millénaire en dévoilant des réminiscences de signes et de symboles d’une lointaine préhistoire. On retrouve également dans ces tapis le résultat du métissage des cultures berbère et africaine à travers la circulation ancestrale des caravanes du Sahara et du Soudan.
Comme le fait Frédéric DAMGAARD dans son excellent ouvrage ” Tapis et tissages, l’art des femmes berbères du Maroc “, il est judicieux de comparer le métier à tisser d’une femme berbère à celui d’un instrument de musique. “Il est facile d’imaginer une femme berbère devant son métier à tisser comme une pianiste devant son piano, toutes deux composent une belle musique avec des rythmes et des harmonies, en termes de couleurs et de notes. Leurs partitions ne sont jamais complètement rigides et laissent place à des interprétations personnelles ou à des initiatives d’improvisation. Tous deux ont également à leur disposition un très large répertoire qu’ils peuvent interpréter comme ils le souhaitent et selon leur sensibilité.
La polychromie qui naît de ces bandes de tissu peut être bouleversante par sa poésie, par sa fluidité, par son imagination, par sa fantaisie, par sa joie….. La spontanéité des formes et des couleurs abstraites crée des tapis berbères qui ne sont pas seulement décoratifs mais véritablement artistiques. On touche au cœur de l’art tribal, de l’art populaire, de l’art brut.
L’art n’est pas réservé aux peintres ou aux sculpteurs. De nombreux objets tribaux parlent à nos sens et peuvent donc être considérés comme des œuvres d’art. Le Musée des Arts Premiers de Paris a ouvert de nouvelles perspectives aux amateurs de ces arts tribaux dont le symbolisme, le graphisme et les palettes de couleurs nous ramènent à des valeurs esthétiques universelles.
Il est fascinant de voir comment le graphisme fort et sublime de ces tapis berberes a inspiré de nombreux artistes modernes. Et pour les amateurs et les collectionneurs, il sera toujours fascinant de découvrir dans un tapis berbère des émotions qui ramènent aux tableaux de KANDINSKY, KLEE, MONDRIAN ou POLLOCK ou de bien d’autres peintres abstraits.
C’est pour toutes ces raisons que nous sommes tombés amoureux de ces tapis boucherouette et que nous voulons contribuer à leur découverte par de nombreux amateurs.
Nous apportons ainsi notre modeste contribution tout en sachant que ces œuvres tissées et nouées à la main par des femmes berbères sont désormais reconnues comme des objets de collection et des œuvres d’art par les spécialistes, les galeristes et les conservateurs de musées.
Le tapis Azilal… Absolument unique, le véritable tapis tribal !
Les tapis Azilal ou Azilals, comme leur nom l’indique, proviennent de la région escarpée d’Azilal, située dans les montagnes reculées et très difficiles d’accès du Haut Atlas, au sud de la ville de Beni Mellal et à environ 180 km au nord-est de Marrakech.
Tissés exclusivement par les femmes de cette région, les tapis Azilal sont fabriqués en alternant des motifs composés d’une ligne nouée et d’une ou deux lignes tissées en laine vierge brute, selon un rituel culturel transmis de mère en fille depuis des générations.
Sont souvent associés aux tapis Azilal, les tapis appelés Ourika qui sont en fait tous les tapis produits un peu plus au sud par les tribus du Haut Atlas de Denmate au nord à Ilmil au sud couvrant la région montagneuse d’Ait Ourir, la vallée de l’Ourika et le parc de l’Oukaimeden.
Le tapis Azilal fait preuve d’une grande créativité en termes de dessins, il combine des motifs irréguliers et abstraits, de nombreux symboles et graphiques berbères souvent basés sur des diamants.
Souvent apparaissent des ajouts de couleurs à base de laine teintée avec des colorants végétaux ou à base de fils de coton colorés ou même de tissus recyclés. Le fond des tapis en laine vierge naturelle est ivoire/crème.
Les tapis Azilal sont des œuvres où chaque femme rurale de la région d’Azilal raconte son histoire, les thèmes des motifs étant la vie rurale, la maternité, la naissance. Les tisserandes s’approprient ainsi les signes tribaux de leurs ancêtres pour exprimer leur mariage, leur grossesse, leur vie quotidienne.